Année après année, nous, paysans et paysannes de la mer, voyons changer notre pays.
La baie de Morlaix, écosystème unique avec ses activités ostréicoles et de pêches, est un bon exemple de ce changement. En amont de cette baie, la rivière est l’une des dernières rivières du Finistère qui fonctionne encore correctement grâce à ses fermes, son bocage, son bassin versant.
Malgré cela, cet été, une production massive d’algues vertes étouffe cette baie et ses producteurs d’huitres. « Cette année c’est une véritable catastrophe » (France 3 Bretagne, 07/08/2024). La présence d’algues vertes cause notamment une asphyxie des naissains d’huîtres et de palourdes. Cette situation pourrait entraîner des pertes effectives allant jusqu’à 40% pour les ostréiculteurs. Signe d’une dégradation de la qualité de l’eau, la baie de Morlaix, comme la rade de Brest, deviendrait-elle aussi victime d’eutrophisation massive due aux algues vertes ?
Les proliférations d’algues vertes sont corrélées à « la présence en excès de nitrates dans les eaux » (Dominique Davoult, 2023). Ces concentrations restent aujourd’hui près de 3 fois trop élevées (Le Monde, 11/05/2021) pour éviter les pullulations d’algues vertes. Ces excès sont pour une bonne part dus aux effluents d’élevages. Or, les élevages bretons sont massivement importateurs de tourteau de soja brésilien, correcteur azoté des rations des vaches et des cochons. Au-delà des enjeux sur la qualité de l’eau en aval, ces imports d’azote soulèvent la question de la souveraineté alimentaire des territoires et des fermes, notamment pour la partie protéique de l’alimentation des animaux.
En refusant d’admettre que ce problème structurel est une conséquence du développement agro-industriel breton autour des productions animales intensives, les pouvoirs publics ne parviennent pas à se doter d’outils politiques efficaces et ambitieux pour lutter contre ces marées vertes qui représentent d’énormes enjeux de santé publique et économiques.
Pire, sous couvert de la « simplification » demandée par les syndicats majoritaires, les pouvoirs publics ont souhaité alléger les politiques actuellement en vigueur pour contrôler les concentrations des élevages. En effet, dans un décret publié au Journal officiel le 11 juin 2024, les seuils pour les projets d’élevage soumis à évaluation environnementale systématique selon l’article R.122-2 du code de l’environnement ont été officiellement rehaussés, passant de 2000 à 3000 emplacements, pour les porcs de production et ont été supprimés pour les bovins.
Nous défendons, à la Confédération paysanne du Finistère, le développement d’élevages ancrés sur leur territoire, qui prennent en compte les enjeux de souveraineté alimentaire et le respect des bassins versants.
C’est pourquoi nous tenons à nous distinguer et à affirmer notre solidarité avec tous les acteurs économiques en aval de nos bassins versants.
En attendant mieux pour l’avenir de nos rivières et l’avenir de l’agriculture.